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Chimères et Phantasmes

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Message par Kausken R. Dasveltar Jeu 22 Juin 2017 - 18:00



alinéaLe Corbeau prépare son envol. Paquetage achevé, entièrement équipé, il n'attend que le bon moment pour débuter sa migration. Le printemps est frais. Et les songes s'entrechoquent.

alinéaC'est un crépuscule froid qui se couche sur l'horizon, ce soir. Et lorsque la nuit noire choira de son piédestal céleste, je m'éclipserai tel l'astre d'argent sous le joug des cumulus d'un départ soudain. Ces voix... Elles ne cessent de me tirer à elles, de souhaiter me faire quitter cet endroit. Elles me claustrent, m'enveniment, me désaxent. Je n'en puis plus, qu'elles cessent de m'importuner. Chaque léthargie se ressemble, torturée d'images, foudroyée de mots, ces furies m'harassent et me lassent. C'est une ténèbre glacée qui enveloppe l'horizon, ce soir. Et les vantaux du manoir se sont déjà refermés sur mon passage. Je ne fais pas le serment de revenir entière. Vive. Ni même de rentrer seulement. Tu me haïras, tu m'en voudras, ta rancœur, je la ressentirai depuis les terres désolées que je m'en vais arpenter sans toi. Tout me poussait à venir te trouver, à t'arracher à l'étreinte de ta demeure, aux serres de la famille que tu chéris tant. Vers toi mes songes se tournent aujourd'hui et se tourneront toujours. Et mes regrets, déjà, me dévorent. C'est une brise amère qui souffle sur l'horizon, ce soir. Pléthore de questionnements et d'accusations me sont portés par le vent aigre. Cher ami, tu manques à mon âme. Il est si atroce pour mon cœur de m'éloigner de tes sourires bienveillants, pourtant, mes jambes poursuivent leur chemin, dénigrant avec mépris le débat éternel de mes pensées. Je m'interroge déjà : m'ignoreras-tu, me remplaceras-tu, m'oublieras-tu ? Je t'impose un choix que je sais ardu. Ton attachement n'était plus à démontrer, il te fera plus de mal encore en me sachant loin. C'est un silence angoissant qui pèse sur l'horizon, ce soir. Cette décision n'en était pas une. Je suis astreinte à une marche interminable vers la cave délabrée d'un continent qui ne m'est connu que par les ouvrages. Mon corps est soutenu par un besoin irrépressible de subvenir aux volontés de ces lamentations dans mon esprit. A l'intérieur, je saigne. Une hémorragie causée par le déchirement de ma psyché profonde, alors que je crains l'aboutissement de ma quête.

alinéaLe Corbeau en est à plusieurs journées de voyage. Il peine à voler davantage, le poids de son fardeau l'alourdissant jusqu'à lui faire toucher terre. Mal en point.

alinéaMon cher et tendre ami, le sentier est infini encore. Mon battant lancinant me fait payer chaque pas qui rallonge la distance nous séparant toujours plus. Mes tempes pulsent d'une tension qui m'était jusqu'alors trop méconnue, ma gorge se noue, mon estomac se serre. La pression est intense, et l'air entre les feuilles altières qui me surplombent provoque un bruissement moqueur qui m'aliène. Je deviens folle. Chaque avancée supplémentaire me fait céder à la douce horreur de l'absurdité, j'en oublie presque la raison qui me pousse encore à mettre un pied devant l'autre sur ce terrain boueux. Car tout, je dis bien tout, en moi me hurle de rentrer et de me fondre au sein de ton étreinte exclusive. A chaque inédit paysage, la terreur m'envahit. L'astre du jour est à son zénith à l'heure où je pense à toi. Pourtant, toute chaleur s'est dissipée en mes entrailles. Ne reste qu'un brasier froid qui s'éteint peu à peu, sa fumée épaisse m'embrume et m'égare. Tu as déjà dû te rendre compte de mon absence imprévue, et la simple idée de mon abandon dans ton esprit me saisit si brusquement que mon souffle s'interrompt de longues secondes. Je me meurs. Et les stigmates de la corruption que le dragon de mon affection pour toi a provoqués s'en ressentent. Je brûle d'une douleur que rien ne pourrait canaliser, et chaque enjambée est un couteau de plus planté en mon cœur.

alinéaLe Corbeau, en une nuit rigoureuse, vient à formuler un postulat des plus évidents. Le fort de la folie se dresse plus haut. Toujours plus haut.

alinéaJe n'ai jamais si bien porté ce nom maudit de Wahnburg.





alinéaLes journées sont si longues sans ta présence à mes côtés et cette souffrance n'a aucune fin, je n'aperçois pas le bout de ce tunnel dont tous évoquent l'existence. Ma destination est encore à des lieues de moi, et je me trouve à des lieues encore de là où j'aurais dû rester. Je n'en puis plus. Les aubes et les étapes se succèdent, mais à mon plus grand dam, je tiens le choc. Je l'encaisse tandis que je préférerais qu'il me terrasse enfin, c'est une charge qu'il me peine de subir. Chaque nouveau camp monté, chaque nouvelle bête chassée, chaque nouvelle lune haute dans le firmament me rappelle que je ne suis pas à ma place. L'impatience me gagne. Je souhaite parvenir au plus vite à bout de mon objectif final. Je côtoie la mort, ici. De la végétation au relief, des édifices aux flots, seul le silence subsiste, ici. Je n'en puis plus. Les paysages éplorés me murmurent d'atroces lamentations, les flots me refoulent sur un rivage duquel je ne désire qu'une chose : m'enfuir. La roche me blesse, la terre me bat, le ciel forme un couvercle étanche où l'air ne peut s'engouffrer. Je suffoque. Et je m'enfonce toujours plus loin sur ce territoire blessé.

Mon cher et tendre ami. Mes écrits se raréfieront désormais. Mon chemin a croisé celui d'un homme du sud, de ceux qu'il aurait mieux valu faire sombrer avec ce continent. Il m'a démontré son utilité, sans lui... ma mine ne gratterait plus aucun papier. Et alors que je pense à toi, je me demande. Si je venais à risquer de connaître mon trépas ce lendemain, ou bien au cours des infâmes journées qui suivront... ne dois-je me raccrocher qu'aux branches que cet indigne inconnu me tend ? Ne dois-je finir que par puiser mon énergie de lui ? Dois-je m'attach-

Le Corbeau cesse sa rédaction. Et la suivante patientera bien des semaines encore. La plume ne connaît plus l'inspiration, ni la volonté.
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Message par Kausken R. Dasveltar Jeu 22 Juin 2017 - 18:04



alinéaCharr ! A toi de m'attraper ! s'écria-t-il.

alinéaNooon, je ne veux pas être le charr ! pleurnichait-elle en retour.

alinéaLes garnements couraient en cercle au sein de la cour de récréation de l'Académie. Ils ne cessaient de hurler, de partir dans un sens, puis dans l'autre, inlassablement. Leurs rires résonnaient dans mes tempes. Cette précipitation me donnait le tournis, leurs cris me perçaient les tympans, me sciaient les nerfs. Où me trouvai-je...
Sans doute sur cet unique banc de bois, en coin d'aire de jeu. Je lisais l'un des nombreux ouvrages provenant de la bibliothèque de Père, sans doute le centième depuis que j'avais appris à lire le néo-krytien. Il me fallait un sang-froid exemplaire pour supporter ces pitreries d'enfants de haute extraction durant mon activité favorite. Nous avions tous le même âge, mais à cette époque, déjà, j'étais différente. La majeure partie de mes camarades étaient issus de lignées du sud et de l'est de la Kryte, et je provenais d'une famille ayant toujours prôné le phénotype kurzick sur le reste. Nous n'avions pas les mêmes valeurs. Ni les mêmes centres d'intérêt d'ailleurs. J'étais une enfant calme, taciturne, solitaire et intellectuelle. Ma maturité dépassait bien largement celle de mes confrères. Je ne me sentais pas à ma place parmi eux, à jouer, courir, m'épuiser avec ces bêtises puériles. Je préférais cent fois la sérénité de l'encre couchée sur quelques pages jaunies par le temps, le réconfort d'une reliure de cuir gravé, cousu de fils d'argent.

alinéaDes fils d'argent... Cela me faisait songer à ta chevelure, mon ami. Tu venais souvent t'asseoir près de moi pour le plaisir d'être là, parfois pour me parler. Je peinais à me concentrer sur ma lecture lorsque je sentais ta présence non loin. Tu avais de ces auras que l'on ne peut ignorer, de ces auras sur lesquelles il est impossible de ne pas se retourner. Était-ce de ton fait ? Ou avais-tu simplement cette chance naturelle, ce don de Lyssa ? Je ne m'écrasais pas. Je ne m'écrasais jamais. Mais inconsciemment, ma propre énergie se mettait en retrait pour t'offrir la splendeur que la tienne méritait tant. J'étais, à côté de toi, invisible. Et cela me confortait dans ma solitude, j'appréciais disparaître aux yeux de tous, car je savais au fond de moi que tes deux iris incolores ne s'intéresseraient jamais à une autre. Ma confiance en toi était inébranlable, aveugle, inconditionnelle. Ce jour-ci tu vins encore. Toujours à te glisser derrière moi, tu avais fait le tour du banc pour espérer me faire la surprise de ton habituelle compagnie. Je ne pus retenir un sourire, certes peu expansif, mais bel et bien sincère. A idéale distance, ni trop loin, ni trop près de moi, tu ne prononças pas un mot, m'observant simplement de tes prunelles d'ivoire. Nous restâmes un long moment à nous contempler ainsi avant que tu ne te décides à m'adresser la parole.

alinéaBonjour Valeska. Comment vas-tu, ce matin ? me demandas-tu.

alinéaPour une raison que j'ignorais, mon cœur vint tambouriner dans ma poitrine comme au sein d'un concerto de percussions. Tu étais le seul à prendre soin de moi, et je l'admets volontiers, tu le faisais mieux que quiconque. Père aurait dû te jalouser sur ce point. Mère n'était déjà plus là, elle, emportant quatre vies dans la tombe. Ne restait que toi, mon cher et tendre ami.

alinéaBonjour Andreas... Je me porte bien, comme tu le vois. Comment te portes-tu, toi ? te renvoyai-je alors.

alinéaTu n'eus pas le temps de me répondre que la clochette sonnant la fin de la récréation agonisait déjà de façon stridente, répétitive et agaçante. Nous nous levâmes alors pour rejoindre la salle de classe, tandis que les autres élèves se précipitèrent vers nous pour reformer le rang. Fatalement, l'un d'eux vint me bousculer en me dépassant. Ni une ni deux, mon premier réflexe fut de m'arrêter et d'étendre mon pied sur le côté jusqu'au prochain passage qui ne tarda pas. Pris dans ce croc-en-jambe vengeur, un jeune garçon perdit l'équilibre et s'écorcha mains et genoux sur le sol irrégulier ; une pauvre victime collatérale de mon sadisme aigu. Se roulant au sol il se mit à geindre, tenant ses membres meurtris. Un vil sourire satisfait ancré sur mes lèvres, j'appelai le maître d'école afin qu'il intervienne avant que les amis du blessé ne le fassent. Celui-ci m'accusait entre deux sanglots, tandis que j'expliquais calmement à notre professeur d'histoire que sa cheville avait cédé sur une pierre malencontreusement venue se mettre sur son chemin. Mon sérieux et mes excellentes notes étaient deux arguments de poids, tandis que l'enfant tombé, cancre invétéré, n'avait pas tant de crédit aux yeux de notre instituteur. Je profitai de mon avantage certain pour ajouter que son attitude turbulente était un frein à l'esprit studieux de notre classe, jouant de tous mes charmes. M. Rainsworth opinait à tous mes dires et je m'en sentais renchérie. Et les plaintes d'indignation de mon bouc-émissaire étaient un coup d'épée dans l'eau qui ne faisait que renforcer ce sentiment de plénitude.

alinéaEspèce de sorcière ! me lança une proche du garçon.

alinéaCroa, croa ! scandèrent les autres en battant des bras, imitant le cri rauque du corbeau.

alinéaC'était une routine. Un quotidien qui me lassait plus qu'il ne m'agaçait. Le maître nous fit rentrer en vitesse pour reprendre nos places et reprendre une leçon d'histoire sur la Fournaise et l'exode ascalonien. Une leçon que je n'écoutais que d'une oreille tant elle me désintéressait, occupée à rédiger quelques vaines tentatives de vers en marge de la page vierge d'un cahier. Durant cette heure de cours, rien ne vint perturber ma torpeur, pas même la revanche puérile du châtié. Emplie par l'ennui et accablée du syndrome de la page blanche... Blanche ? Mes pensées se tournaient irrémédiablement vers toi, mon ami. Toute allusion à cette teinte me forçait à tout abandonner pour ne me consacrer qu'à des songes dont tu étais le principal sujet. Je capitulai. Une torture ? Non. J'appréciais déjà imaginer un monde tel qu'il était, et rien qu'à tes côtés. J'effaçais les passants, j'effaçais les parents, j'effaçais les élèves, les ordres et les ministres, les monarques et les guerres. Et dans une cité nouvelle, je bâtissais deux trônes afin que nous y prenions place, ensemble. L'agonie stridente revint me sortir de mes rêveries, marquant la fin d'une journée d'étude. Nous rangeâmes nos fournitures avec un soin diamétralement opposé à la frénésie de nos camarades autour de nous. Hâtifs à l'idée de retrouver leur demeure, leurs tuteurs ainsi que leurs stupides jeux, tous disparurent bien vite de la salle dans une cohue effroyable.

alinéaTu étais avec moi, encore, m'accompagnant jusqu'au portail de l'établissement dans le calme. Les vantaux de fer forgé se refermèrent derrière nous, et alors que nous prenions le même chemin de campagne qu'à l'accoutumée, trois de nos camardes s'extirpèrent des buissons bordant le sentier. Je reconnaissais aisément le pantalon troué et tâché de sang de mon dernier souffre-douleur, ainsi que deux de ses compères. Leurs mains semblaient tenir de petits objets qu'il m'était, de ma place, impossible à distinguer. L’œillade haineuse du chef de bande à mon égard me fit comprendre rapidement leurs intentions. Néanmoins, je n'eus pas le temps de penser à me mettre à couvert tandis qu'ils levaient le bras afin de me jeter ce qui était - sans nul doute - des pierres, que tu avais déjà tendu le tien devant toi pour claquer des doigts. Les fixant, mes affaires de classe contre moi, je vis leurs visages se déformer par la peur. Le premier laissa tomber le projectile et, suite à un long moment d'hébétement, prit ses jambes à son cou. Le second comparse, lui, gardait sa main si crispée sur le galet qu'il aurait pu en attraper une crampe ; il recula de quelques pas, puis suivit le fuyard.

alinéaResta ma proie. Celui-ci semblait tétanisé d'angoisse, ses yeux écarquillés de terreur figés sur toi, mon ami. Sa lèvre inférieure tremblait de telle sorte que l'on pouvait supposer qu'il allait fondre en larmes. Tu étais magnifique ainsi. Abandonnés au milieu de ce sentier désert couvert par un ramage épais, la pénombre offrait à la scène une ambiance solennelle. Tu n'avais pas bougé un seul instant, le bras éternellement tendu devant toi, devant lui. Ce regard que tu arborais alors me fit frémir, l'on y lisait tant la haine que le mépris. Une fois de plus, tu m'avais secourue. Las, tu baissas ta main contre ton corps, attendant une quelconque réaction du parasite craintif se tenant encore face à nous. Celui-ci se mit à babiller des termes incompréhensibles et vint à en gémir de peur. Le garçon alla à reculons l'espace d'une minute tout en te regardant de ses yeux larmoyants et suppliants.

alinéaHors de ma vue, déclaras-tu alors, aussi simplement que bonjour.

alinéaEt il fuit.
alinéaIndifférent, tu te retournas vers moi, qui étais restée coite devant ce spectacle, mes cahiers serrés contre ma poitrine adolescente. Ton œillade attira mes prunelles pour les envelopper de tendresse, tes lèvres s'étirèrent en un sourire simple et sans prétention, ta main vint même caresser ma joue du dos de ses doigts pour ôter une mèche noire de mon visage. Je la saisis et la serrai si fort que ton rictus cilla un court instant. Un demi-cercle du bras pour me présenter la voie désormais libre, et nous reprîmes notre chemin, nos doigts entremêlés.






alinéaNous sommes seuls au milieu de la dévastation. Et ma main est bien vide sans la tienne. Ces réminiscences ne cessent de me hanter à chaque instant où mes yeux se ferment. Elles sont agréables puisqu'elles te concernent. Mais elles sont douloureuses car je pourrais, peut-être, ne plus jamais connaître la sensation de ta peau contre la mienne. Mon ami... Tu manques à mon âme. Je ne cesserais de le répéter. Et cet étranger qui m'accompagne depuis quelques semaines maintenant ne parvient pas à combler une seconde ton absence. J'ai fini par m'ouvrir à lui, par lui confier mes craintes. Je voulais son indifférence, je n'ai eu que son affection. Sa compassion. Son réconfort. Et je n'aurais jamais cru pouvoir être reconnaissante envers un membre de ce peuple avant aujourd'hui. Ne te froisse pas, mais il t'est semblable parfois. Son attention, ses gestes, son flegme, tout chez lui me pousse à penser à toi. Que fais-tu si loin de moi ? Tes jeunes sœurs ont sans doute toute ta sollicitude. Ta mère, tout ton soutien. Ton père, toute ton aide. Me réserves-tu encore une part de toi ?

alinéaMes prières te sont destinées.
alinéaSois heureux, Andreas.
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